Il y a des animaux qui ne dorment jamais. Ils veillent sur le mond’ plongé dans le sommeil. C’est, entre autres, la vach’. La placide pécore froufroute dans la paille en remuant ses cornes. Un front mésolithiqu’ pèse sur les pommettes de sa figur’ ; du coup les gros yeux de la bête ont du mal à bouger en rond. Quant au visage du cheval, il paraît plus harmonieux et sage. Il entend chuchoter les feuilles dans les bois ; il entend les cailloux qui grincent sous les pas de fauves, il entend – là-haut parmi les branches – les tristes inflexions du rossignol qui chante. Pourtant à qui pût-il raconter les merveilles que la natur’ révèle à ses yeux et oreilles ? Le firmament nocturne est sans fond. Les étoiles y sont autant d’armées en marche. Le cheval est là tel un guerrier, posté en sentinelle, sa crinière impériale ondoie et étincelle dans l’air frais de la nuit, ses yeux tout grands ouverts défient la profondeur de l’immense univers. Si l’homme eût jamais vu ce visage ineffable, il aurait arraché sa langue oiseuse et faible et la lui eût donné, pour qu’enfin il parlât : le cheval prodigieux est digne de cela ! Ses paroles seraient grandes comme des pommes, denses comme le miel, ou le lait, ou le baume, pareilles à des feux qui éclairent le cœur comme un taudis modeste et pauvre à l’intérieur, qui ne meurent jamais ni jamais ne s’étiolent ; on voudrait répéter ces brûlantes paroles, en faire des chansons pour la postérité, les apprendre par cœur, savourer et scander. Or voilà qu’on entend sonner l’heure. Les arbres s’en vont disparaissant. Le petit jour – blafard, brumeux et gris – rampant à travers monts et vaux, se met à découvrir les champs pour les travaux, et la bête de trait, en sortant de l’étable, effarée, voit un monde étrange et immuable.
Anmerkung von Roger-Bôtan:
D'après N. Zabolotsky.
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